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> TRACES DES ATELIERS

Le train de 9h20
Histoires à choix multiples

Chapitre I : Basile

Chapitre II : Patrock

Chapitre III : Juliette

Chapitre IV : Vincent

Chapitre V : Céleste

Chapitre VI : Marie-Claire

Chapitre VII : Didier

Chapitre VIII : Aldo

Chapitre IX : Clément

Chapitre I

Basile 
 

Un rai de lumière depuis les persiennes du volet gris jusqu’à la tête du lit révèle des particules fines en suspension.
Mercredi 17 mai 2023, Basile Chapoutot ouvre un œil, puis l’autre. Basile ne reconnaît pas son environnement. Il a la sensation de ne pas avoir dormi de la nuit. Son regard se raccroche aux particules qui flottent. Basile tente de rembobiner le fil du temps. Rien ne vient.
Le radio-réveil affiche 8h20.
Basile se redresse légèrement, s’appuyant sur ses coudes. Il balaie la pièce du regard, de gauche à droite, puis en sens inverse.
Son corps est lourd. Comme s’il s’enfonçait en permanence dans le matelas, dur et mou à la fois.
Une notification de texto ramène Basile à la réalité. « Appelle-moi quand t’arrives » indique le message d’une certaine Rebecca.
« Rebecca ? » s’interroge Basile.

I. 1.  Basile s’assoit au bord du lit.
I. 2. Encore nauséeux, il se lève et remonte le store.

I.3  Rebecca ? Il n'en a connu qu'une.

I.1
Basile s’assoit au bord du lit. Il se tient la tête entre les mains.
Une sorte de vertige mêlé à une légère migraine l’empêche de retrouver ses esprits.
Cette chambre, semble-t-il une chambre d’hôtel, ne luit dit absolument rien. 
Il voit une valise à roulettes noire, au pied du lit, sa valise à roulettes habituelle.
Appuyée contre le mur, une housse de guitare ouverte, vide. Sur la table, à gauche, une guitare folk.
Basile se lève pour aller la saisir. Sa main gauche plaquée en accord de sol majeur sur le manche, Basile commence à jouer instinctivement un morceau. Sol, sol, ré, mi, sol… Ses doigts parcourent le manche sur un rythme à quatre temps. Son pied gauche bat le tempo.
Les particules de lumière s’agitent, dansent en cadence, comme une allégorie des neurones de Basile qui se remettent dans le bon ordre.
La migraine se retire pour laisser place à une sorte d’apaisement, d’éclaircissement, alors que Basile continue à gratter ses cordes de façon quasi automatique.
Ca cogne à la porte suivi d’un « ça va pas non ! C’est pas une salle de concert ici ! C’est un hôtel pour dormir ! »
Basile arrête net. Ca lui revient. Il se souvient à nouveau. 

I. 1. 1. Il se souvient que Rebecca, Rebecca sa compagne...
I. 1. 2. Mais oui, c'était la meuf au premier rang...

Ou retour à l'intersection précédente

I.2
Encore nauséeux, il se lève et remonte le store. Il aperçoit la gare de Lyon en face, et il se souvient, il part à Milan. 
Il cherche le billet sur son portable, son train est à 9h20. 
Il se regarde dans la glace, il ne s’aime pas aujourd’hui, il n’arrive pas à se coiffer, il n’a l’air de rien. 
Il regarde de nouveau le texto.
Il pense à cette femme, très grande, brune et belle, avec un accent italien charmant.
Il se souvient d'une autre aussi, pas aussi charmante, mais bavarde, curieuse et drôle (cf. note 1).
Le rendez-vous est à la réception.
Laquelle est Rebecca ?
Impossible que cette femme très belle s’intéresse à lui.
Ça ne peut être que l'autre.
8h45.
Il contourne la réception comme un voleur. Un quart d’heure après, il est sur le quai, incrédule et nerveux.
Puis, il voit arriver la rigolote, tous deux sont surpris de se retrouver sur le même quai.
Ils sourient de la situation.
Puis, d’un coup, il comprend.

I.2.1 Oui, Basile comprend qu’il a loupé un rendez-vous...
I.2. 2 Rebecca, c'est elle, elle qui riait...

Ou retour à l'intersection précédente

I. 2.

Rebecca ? Il n’en a connu qu’une. C’était sa maitresse il y a bien longtemps. Sa maitresse de CP plus exactement, « Madame Rebecca » comme il l’appelait de sa petite voix de CP avec un cheveu sur la langue. Jamais Madame Rebecca n’avait ri ni souri quand il zozotait. Jamais. Les autres après riraient, les enfants, les maitresses, les maitres, le monde. Avoir un cheveu sur la langue qui vous suit toute votre vie, c’était celle de Basile. Madame Rebecca, souvenir apaisant de cette maitresse qui lui avait appris à prendre la clef des champs dans les livres. Mais Madame Rebecca lui écrirait aujourd’hui en signant « Rebecca » ? ça semblait peu probable. Pourtant hier quand il avait croisé Achille, ils avaient parlé émus de l’année de CP, de la douceur de Madame Rebecca depuis jamais égalée. Basile et Achille s’étaient connus à l’école Jacques Prévert des Lilas, classe des CP3 sous la houlette de Madame Rebecca. Depuis le souvenir de Madame Rebecca s’était lentement évaporé comme les échanges de billes avec Sidonie à la récré, la boite à trésors de Lola où elle avait ses dents de dinosaures (cf. note 2). Ça, c’était jusqu’à hier. Et aujourd’hui Rebecca lui écrivait. Ça pourrait être-elle ? Elle avait dans les quels âges Rebecca quand ils étaient tous marmots ? Difficile à dire, c’était une grande à l’époque sinon elle n’aurait pas été maitresse mais grande comment ? Grande comme 25, 30, 45 ans ? Basile reprend son téléphone, et se rallonge dans le lit pour relire le texto, il y aura peut-être un indice. Mais il est où ce foutu texto ? 

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I. 1. 1.
Il se souvient que Rebecca, Rebecca sa compagne, Rebecca sa chérie bien sûr, Rebecca attend son retour pour une petite escapade en amoureux.
« Mais qu’est-ce que je fous là ? Dans cette chambre ? » s’exclame Basile tout haut. Le temps semble s’arrêter. Les particules de lumière sont comme suspendues, flottantes au ralenti.
8h45. Basile se gratte la tempe, comme si ça allait débloquer sa mémoire, ses souvenirs.
« La douche ! Je dois prendre une douche ! » se rassure Basile qui court dans la salle de bain en ôtant son slip dans la foulée, manquant de se vautrer par terre.
L’eau tiède sur ses cheveux longs et sur son corps lui font l’effet d’une régénérescence. Ca lui vide la tête et il se surprend à fredonner « et j’entends siffler le train, et j’entends siffler le train » ce vieux standard yéyé de Richard Antony. Basile ne se souvient plus trop des paroles alors ça donne « j’entends siffler le train là-haut sur la colline » qu’il chante maintenant à tue-tête. « Un mix Richard Antony / Joe Dassin ! N’importe quoi ! » Se dit Basile à voix haute.
« Mais merde j’ai mon train à 9h20 gare de Lyon » braille tout à coup Basile, à qui la mémoire revient par flashs.

I. 1. 1. 1. Basile ferme le robinet de la douche
I. 1. 1. 2  Rho mais la flemme

Ou retour à l'intersection précédente

I.1.2

Mais oui, c’était la meuf au premier rang de son concert hier. Quand il a sauté dans la fosse hier, elle l’a attrapé par le bras. « REBECCA », elle a écrit sur son bras et son numéro avec. Mais comment elle aurait eu son numéro à lui ? Encore un coup d’Ali le batteur, celui-là il file toujours les numéros aux filles, frustré qu’il est de ne jamais être sous les feux comme Basile et Cyril. C’est sûr que ça paie plus d’être chanteur ou guitariste avec les filles (cf. note 3). Du coup Basile checke son bras. C’était lequel ? Ah oui le droit, il y a bien les restes du prénom mais impossible de distinguer les chiffres qui ont bien macéré depuis la veille. Bon, imaginons que ce soit elle. On fait quoi ? Elle ressemblait à quoi d’ailleurs ? Difficile à dire. Trop d’alcool. Bon elle a écrit « quand t’arrives » c’est peut-être qu’elle habite à Lyon puisqu’il doit choper son train ce matin. Sur un malentendu ça pourrait le faire, et puis, il aime bien que quelqu’un l’attende quelque part. Soit. Il écrit « Yes, j’arrive à 11h30 à la Pardieu » 

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I.2.1

Oui, Basile comprend qu’il a loupé un rendez-vous avec une très belle femme, qu’il est 9h15, qu’il ne peux plus faire demi tour, Rebecca sera partie, une femme comme ça, n’attend pas.
Et son fils l’attend à Milan, et là, ça ne se discute pas.
Il sourit à la petite femme qui s’appelle Françoise.
Il monte dans le wagon furieux. Et il se traite de gros con !

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I.2.2.

Rebecca c’est elle, elle qui riait dans le bar à cocktails où il avait atterri la veille au soir avec son pote Patrick. Elle avait un rire fort et chaleureux qui emplissait la pièce, il s’en souvient maintenant. Elle riait comme une dératée à la table d’à côté, tellement fort qu’ils avaient fini par lui parler.  Au début ce n’était pas clair si c’était pour lui dire se taire mais finalement son rire était tellement communicatif qu’ils avaient ri eux aussi et passé la soirée ensemble tous les quatre, elle et son amie Lili et Patrick. Pourquoi il se retrouve ce matin à côté d’elle sur ce quai, en revanche il ne sait pas bien. Ah mais oui c’est Rebecca du service compta qui va aussi aux journées team buiding du CE de la boite. Ça y est, il y est. 

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I. 1. 1. 1.
Basile ferme le robinet de la douche, s’essuie, se lave les dents et s’habille en quatrième vitesse. Il rassemble ses habits qui traînent dans la pièce, range sa guitare, ferme sa valise et jette un dernier coup d’oeil pour vérifier qu’il n’oublie rien. C’est bon ! Il sort de la chambre, descend les escaliers quatre à quatre et se retrouve sur le trottoir. En face de lui, la gare de Lyon dont l’immense horloge qui orne la tour indique 9h05. Ouf ! déclame Basile pour lui-même, soulagé.
Sur le quai, Basile, qui se dit qu’il n’y a pas grand monde dans le TGV, se sent aussi soucieux. Ses pertes de mémoire l’inquiètent. Qu’a-t-il fait exactement la veille et les deux jours précédents à Paris ? Il cherche et fouille dans sa mémoire. Basile se dit qu’il n’en parlera pas à Rébecca. « Inutile de l’inquiéter encore plus, elle qui insiste déjà beaucoup trop pour que je consulte sérieusement » se dit-il.

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I.1.1.2.

Rho mais la flemme j’ai tellement pas envie de sortir de cette douche. Je me prendrais bien un petit bain moi. Bon, allez je prendrai le suivant et Rebecca elle comprendra bien. 9h22. Basile s’enfonce dans son bain (cf. note 4). 

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Notes sur le texte :

Note 1 :

Très drôle même. Tordante cette fille. Elle a enchaîné les blagues toute la soirée, il en a encore mal au bide. Elle y est allée crescendo. Une petite blague de Toto pour détendre l’atmosphère, se mettre à l’aise, « on ne se connaît pas après tout ». Celle où il va à la piscine, un classique. Elle a monté d’un cran ensuite, plus osée, « Vas-y tire sur mon doigt, et prout ! ». Mais quelle boute-en-train celle-là ! Après, c’est pas compliqué, ça ne s’est pas arrêté, « je vais chez le boucher, je lui demande une daurade, mais saignante ! » ; « c’est quoi la différence entre une Renault et une Peugeot ? Il y en a une qui roule et pas l’autre ! » ; « c’est Papa Noël qui arrive au Chili et qui dit « mes rennes ont trop chaud, si j’avais su je serais venu à dos de lama ! ». Quelle sacrée soirée !

Mais il ne se souvient pas. Rebecca, c’était peut-être l’autre. Pas la rigolote, mais la grande, brune, belle. Quel bonnet de nuit celle-là.

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Note 2 :

Ils trouvaient ça dégoutant. Ils lui disaient que ça ne pouvait pas être des dents de dinosaures, que les dinosaures c’était il y a trop longtemps, qu’ils avaient forcément de très grandes dents parce qu’ils mangeaient beaucoup, qu’ils mesuraient jusqu’à quoi, cent mètres, et que ça c’était de toutes petites dents de rien du tout, ça ressemblait à nos dents à nous, mais elle leur jurait, « j’ai trouvé ça un jour où je creusais pour trouver de l’or dans le jardin de mon papi, et j’ai trouvé des dents. Mon papi était très en colère que je les trouve, il m’a grondé très fort, et il m’a dit que c’était des dents de dinosaures et qu’il fallait que je promette de n’en parler à personne ».

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Note 3 :

Quoique depuis qu’il a changé de registre, ça ne paie plus trop pour Basile. Il s’est mis au reggae, avec sa veste en wax, et depuis il ne prend que des râteaux. Elles ne doivent pas trop aimer le reggae, les filles.

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Note 4 :

9h25. Basile a toujours la tête sous l’eau.
9h30. C’est paisible ici. En suspension. « Qu’est-ce que t’es bien sous l’eau, Basile », se dit Basile.
9h31. Cette médaille d’or qui lui a échappé d’un rien, à Bucarest. Il y repense. Il était parti pour battre les records. Battre Georg Radasnu, le champion local, formé à l’école d’apnée soviétique. Pas vraiment des rigolos ceux-là. Ils dormaient sous l’eau. Ils mangeaient sous l’eau. Ils rêvaient sous l’eau. Mais Georg n’était pas dans un grand jour. La pression. Une nation. Une histoire. Toutes les privations, les sacrifices, la clameur du public. Juste pour lui, lui qui n’aimait que l’ombre. Il était remonté, à 10 minutes et 16 secondes. Un temps largement dans les cordes de Basile. Quand Basile a plongé, toutes les tribunes l’ont hué, un vacarme immense, qui résonnait jusque sous l’eau. Il avait essayé d’en faire abstraction, après tout c’était de bonne guerre, mais c’est inconfortable d’être détesté quand on est sous l’eau.
Et au fur et à mesure, le bruit devenait de plus en plus dense, toute cette masse liquide et sonore qui lui pressait les tympans, tous ces gens qui l’assaillaient pour qu’il remonte. Il était remonté. 10 minutes et 7 secondes. La clameur était absurde. Elle a résonné dans tout le pays. Quand il est sorti, plus personne ne le regardait.
Bucarest, terminus de sa carrière. Maintenant, dans son bain, dans ce silence merveilleux, les minutes passent, il remontera quand il le voudra.

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Basile
I.1 Basile s'assoit
I.3 Encore nauséeux
I. 3. 1 Oui, Basile comprend qu'il a loupé
Chapitres
I.1.1 Il se souvient que Rebecca...
I.1.1.1 Basile ferme le robinet
I.3.1 OU I.3.2
I.1.1.1 OU I.1.1.2
I.1 I.2 I.3 OU I.4
I.4 Rebecca ?
I.1.2 Mais oui, c'était la meuf
I.1.1 ou I.1.2
I.3.2 Rebecca, c'est elle
I.1.1.2 Rho mais la flemme
note 1 basile
note 2 basile
Note 4 basile
note 3
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