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> TRACES DES ATELIERS

Le train de 9h20
Histoires à choix multiples

Chapitre I : Basile

Chapitre II : Patrock

Chapitre III : Juliette

Chapitre IV : Vincent

Chapitre V : Céleste

Chapitre VI : Marie-Claire

Chapitre VII : Didier

Chapitre VIII : Aldo

Chapitre IX : Clément

Chapitre VI

Marie-Claire

8h20.

Marie-Claire en est à son troisième café. Assise dans sa cuisine. Les yeux fixes.

Rien ne colle.

Elle est pourtant dans les temps.

Le coursier lui a livré le coffret à sept heures tapantes, comme prévu.

Billet réservé.

Valise bouclée.

Téléphone chargé.

Elle a vérifié trois fois depuis la veille que son train ne subissait pas de retard.

Ce n’est même pas ça …

Elle ne peut s’empêcher …

Elle se sent épiée.

VI. 1. Elle se prédit le vol de la rivière aujourd'hui.

VI. 2. Ce n'est pourtant pas la première fois...

VI. 1.

Elle se prédit le vol de la rivière aujourd’hui.

Une appréhension ? Non. Une prédiction.

Elle le sait. Profondément. Puissamment.

Elle observe la goutte marronnasse couler le long de sa tasse, prête à saloper la table, et la laisse atteindre son but sans l’essuyer.

Une larme coule.

Elle a aimé son travail autrefois.

Transporter des bijoux de valeurs à l’autre bout du monde, c’était même excitant. Mais elle ne s’amuse plus.

Zurich c’est moche elle pense.

Un oeil à l’horloge. 8h32.

Son regard glisse sur le buffet et s’attarde sur la bouteille de planteur que son collègue Marty lui a rapporté de son dernier déplacement.

Il est gentil Marty. Et il part vivre aux Caraïbes. Un peu collant, un peu vulgaire, un peu chiant en fait. Mais une bouteille, ça le rend gentil. Elle se sent con d’avoir des pensées pareilles. Deux secondes elle se sent con. Pas plus. Elle ne sait pas se détester plus.

En fait ça tombe bien cette bouteille.

De gestes automatiques, elle sort un verre et se sert une bonne rasade qu’elle avale cul sec.

Geste de survie elle pense. Il faut se secouer. Ne pas se laisser aller.

Ça passe tout seul.

Un deuxième verre et ça va beaucoup mieux.

Elle attrape son manteau et son foulard, s’ajuste dans le miroir de l’entrée et, en une pulsion étrange, ré-ouvre sa petite valise, en sort le coffret et en retire le trésor.

Elle ne réfléchit pas. Elle agit. Elle passe le collier autour de son cou et, forte d’années de pratique, recale le cran de sureté derrière sa nuque sans l’aide du miroir.

Elle cache le tout avec deux tours de foulard, ferme son manteau, attrape sa valise, ses clés et sort.

Un regard au ciel. Un autre au téléphone. 8h44.

Sa tête tourne un peu.

Elle ira à pied.

En passant par la rue Traversière, elle y sera dans un quart d’heure.

Elle trébuche un peu en démarrant, mais vérifie que personne ne la suit. Ils sont partout. Elle sait qu’il y a des fuites à son boulot. On lui a dit.

Elle change d’avis et prend une rue perpendiculaire. Oula … ça tangue …

C’était pas si génial son idée de planteur. Hum … elle reprendra un café à la gare.

Elle jette un œil par-dessus son épaule.

VI. 1.  1. Rien de suspect.

VI. 1. 2. Les quidams ont tous l'air d'aller quelque part.

Ou retour à l'intersection précédente

VI.2

Ce n’est pourtant pas la première fois qu’elle apporte une pièce artistique rare en mains propres à un musée étranger. Mais cette fois, Marie-Claire est prise comme d’un mauvais pressentiment. Y aurait-il une malédiction autour de Leonard De Vinci comme dans le best-seller international Da Vinci Code ?

Comme bon nombre de ses collègues conservateurs du Louvre, Marie-Claire se souvient qu’elle avait adoré ce thriller policier. Les symboles ésotériques de L’homme de Vitruve du grand maître italien de la Renaissance étaient justement la clé d’énigmes vertigineuses qui avaient conduit au meurtre d’un conservateur du Louvre.

« Oh mon Dieu ! Je délire totalement » s’écrie Marie-Claire s’empressant de fouiller au fond de son sac à main pour en extraire un paquet de cigarettes encore scellé. Elle qui s’était promis d’arrêter de fumer il y a une semaine replonge. « Je dois rester calme » dit-elle en allumant sa Dunhill longue.

Ce ne sont que les manuscrits et brouillons préparatoires à L’homme de Vitruve que je dois remettre au musée Léonard de Vinci de Milan se rassure Marie-Claire.

« Tout va bien ! » s’exclame-t-elle. Elle tire une bouffée de cigarette puis prend une grande inspiration et retrouve un semblant de calme.

8h45, son téléphone émet une notification. C’est son taxi qui le prévient à travers l’application qu’il est en route pour son domicile. C’est signé Albert Spaggiari, comme le célèbre braqueur de banques des années 70, le fameux cerveau du « casse du siècle ».

« Ahhhhhhh » gémit Marie-Claire au bord de la crise d’angoisse. Elle tire convulsivement sur sa cigarette en tremblant comme une feuille, sentant des gouttes de sueur froide perler sur ses tempes. Puis écrase nerveusement sa cigarette à demi-terminée dans la soucoupe de sa tasse à café.

«Pas de panique, pas de panique, pas de panique ! » se répète Marie-Claire intérieurement. «Spaggiari est mort depuis belle lurette » se rassure-t-elle.

Marie-Claire entrouvre le rideau de la cuisine. Un taxi noir manœuvre pour se garer juste en bas. « Ca doit être le mien ». Elle enfile sa jolie veste à frange hippie chic achetée au Bon Marché qu’elle affectionne tant, chausse une paire de lunettes noires pour se sentir plus discrète, un petit coup d’œil dans le miroir. C’est parti ! Valise à roulette en main, elle sort de son appartement, jette des coups d’œil circulaire pour s’assurer que personne ne la voit dans le couloir, puis verrouille soigneusement sa porte à clé. Il ne manquerait plus qu’elle tombe nez à nez avec un grand homme au par-dessus gris perle, borsalino vissé sur la tête et lunettes noires sur le nez et on se croirait dans un film noir de Melville s’amuse à penser Marie-Claire avec un sourire en coin.

En sortant de l’immeuble, il est là, l’homme au borsalino et lunettes noires. « Ah ! » Marie-Claire esquisse un mouvement de recul. C’est juste le chauffeur de taxi qui lui ouvre la portière de la berline noire et lui propose de s’occuper de sa valise.

« Je préfère la garder à mes côtés » répond Marie-Claire toujours sur ses gardes mais ravie d’être au coeur de l’intrigue digne d’un roman de James Ellroy. « Arriverais-je vivante jusqu’à Milan ? A quoi ressemblent le ou les gangsters qui veulent me subtiliser ce trésor de Léonard de Vinci ? » Marie-Claire vit pleinement maintenant une aventure palpitante qui la mène saine et sauve, ouf !,  sur le quai du TGV de la gare de Lyon.

Fin de ce voyage : retour à l'intersection précédente, retour au début du voyage de Marie-Claire, retour aux chapitres

VI. 1. 1

Rien de suspect. Juste une vieille qui promène son chien.

C’est quoi déjà le nom de ce type de chien ? Japonais, rouquin, à la mode, comme celui de sa copine Louise. Putain, Louise ! Elle ne l’a pas encore appelée depuis qu’elle s’est cassée la gueule à moto .. Elle l’appellera du train. Elle tourne deux fois à droite et hésite. Elle ne reconnait pas le coin. Se décide pour voir la prochaine rue.

Elle essaie d’accélérer mais son estomac lui ordonne de calmer le jeu illico.

Elle a chaud, mais pas question d’ôter le foulard.

Merde.

Pause.

Téléphone.

GPS.

Audubon ? C’est quoi cette putain de rue ?

C’est pas vrai !

Elle est allée trop loin.

9h02.

Concentration elle pense.

Personne à droite, personne à gauche. Elle vise un arbre, main gauche sur la poitrine retenant les 20 000 boules et, index et majeur de la droite enfoncés dans la gorge à pincer la glotte, elle expulse les trois cafés accompagnés d’autres gourmandises, et se redresse, légèrement soulagée.

Elle s’essuie la bouche, redémarre, presse le pas et entraperçoit la tour de l’horloge de la gare.

Elle fonce, traverse le boulevard devant les voitures, remonte le parvis entre deux nausées et vise l’écran des destinations après le porche d’entrée. Milan quai C, hall 1. Juste en face.

Il lui reste 7 min, trop juste pour un café.

Gymkhana entre les touristes. Elle traverse le hall.

VI.  1. 1. 1. « Marie-Claire ! Marie-Claire ! »

VI. 1. 1. 2. Elle marche vite vers son train.

Ou  retour à l'intersection précédente,

VI. 1. 2.

Les quidams ont tous l’air d’aller quelque part,
les vrais comme les faux, impossible de voir.

Elle sait qu'à l'embarquement elle sera sans mallette.
Elle pense qu’elle frôle la parano, sa tête est en boucle, elle ne peut pas l'arrêter. 
Et le planteur n’arrange rien. 
Ça ne l’empêche pas de se retourner, elle filtre, elle filtre en plissant des yeux, trouver des impressions, une allure, un rythme, mais elle y renonce, tous ces gens sont suspects.

Parano ou planteur, les deux certainement, et puis de toutes manières, elle n’est pas tout à fait elle-même. Elle se sent autre, submergée, enrobée dans une histoire remplie de déception, elle ne se reconnaît plus. Elle avance en attendant quelque chose qui l’effraie.
Elle épie plus rien, elle se laisse guidée dans le sens de la marche…

9h00

Elle attend sur le quai, elle est dégrisée tout à coup.

L'affluence la rassure, toutes ces personnes si différentes les unes des autres, a toujours été pour elle un spectacle, comment les autres se comportent, se parlent, s'habillent.
Elle repense à Marty, comment cet imbécile a réussi à monter si vite dans la boîte. Impossible que ce type puisse faire du bon travail, ça n’va pas.

Et petit à petit, une idée souterraine commence à s’installer, un désir qu’elle rejetait, elle en avait honte. Mais aujourd’hui, cette idée prend toute la place et semble évidente. 

 Jamais elle n’avait vu une rivière pareille, une merveille.
Elle va devenir voleuse, voleuse par amour. Cette rivière, elle la portera quelques fois, mais surtout elle pourra l a regarder tous les jours, jamais elle ne pourra s'arrêter.

Dans l’état où se trouve sa vie, autant prendre les choses en main. Avoir confiance, écouter cette envie si tenace, l’espoir de s'échapper, et peut-être même de se réparer.

Sur le quai, le train est annoncé, elle ne bougera pas.
9h20

Le train démarre,
En sortant de chez elle, jamais elle n’aurait pensé en arriver là. 

Fin de ce voyage : retour à l'intersection précédente, retour au début du voyage de Marie-Claire, retour aux chapitres

VI. 1. 1. 1

« Marie-Claire ! Marie-Claire ! »

C’est Marty, qui lui fait des signes.

Pot de colle. Chiant. Mais qu’est-ce qu’il fout là ?

« Je voulais te souhaiter bon voyage.»

Il a les joues rouges.

Il est mignon elle pense. Mais deux secondes. Deux secondes seulement.

Et elle comprend.

Un manque au bout de ses doigts.

Elle n’a plus sa valise. Elle n’a rien vu. Rien senti.

Il lui reste moins de trois minutes.

Elle le regarde droit dans les yeux tout en dégainant son téléphone, se retourne, passe le portique d’accès aux quais, lève bien haut le majeur jusqu’à atteindre la porte du dernier wagon. Sifflet strident, marchepied. Portes fermées.

Elle respire, sourit en l’imaginant Marty et ses potos le nez dans ses petites culottes.

Ça a du bon la parano. Ou le planteur. Ça dépend.

« Allo Louise ? »

Fin de ce voyage : retour à l'intersection précédente, retour au début du voyage de Marie-Claire, retour aux chapitres

VI. 1. 1. 2

Elle marche vite vers son train, presque en trottant. Vu son état elle ne s’est pas rendue compte que son trésor ballotait à la vue de tous, et il est visible que ce n’était pas n’importe quel collier. Elle devient négligente. Transporter autant de valeur publiquement n’est pas le plus optimal pour assurer sa sécurité.

Marie-Claire s’arrête devant les portes pour chercher son billet de train afin de le scanner et accéder au train. Elle est essoufflée, angoissée et concentrée sur sa recherche dans son sac, essayant d’ignorer les effets de l’alcool. Un jeune homme la bouscule et, en s’excusant, essaye de lui faire des avances. Ils ne sont pas du même milieu visiblement, vu ses vêtements, et elle le rejette avec dédain et mépris. Le jeune homme, disant s’appeler William, insiste un peu avant d’abandonner, mais il n’a pas l’air trop déçu.

Marie-Claire, énervée, retrouve son billet et accède à son train à la dernière minute. Elle s’effondre sur son fauteuil attitré, et son estomac implose de panique lorsque sa main constate l’absence de collier. A ce moment-là, la sonnerie du départ du train retentit. Elle se lève immédiatement et se cogne la tête sur le plafond. L’adrénaline vient d’annuler tous les effets de l’alcool. Elle descend de son étage et essaye d’ouvrir la porte, en vain. Marie-Claire tire alors le signal d’alarme, son collier vaut plus que le temps des autres passagers. Le train pile, elle va voir la police pour signaler le vol en espérant exploiter les caméras de sécurité, car elle ne se souvient pas de l’homme qui l’a draguée, que c’est sûrement lui le coupable. Ce dernier, habillé différemment, passe à côté d’elle, profitant du chaos ambiant, et quitte la gare en marchant.

Fin de ce voyage : retour à l'intersection précédente, retour au début du voyage de Marie-Claire, retour aux chapitres

Basile
VI.1 Elle se prédit
VI.1 OU VI.2
VI.1.1 Rien de suspect
Chapitres
VI.1.1 OU VI.1.2
VI.1.2. Les quidams
VI.1.1.1 OU VI.1.1.2
VI.1.1.1 Marie-Claire !
VI.2 Ce n'est pourtant
VI.1.1.2 Elle marche vite
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